Voyager dans le temps: science ou fiction?




Dans l'article "Voyager dans le temps: science ou fiction?" paru dans le Québec Science de février 96, il y a trois erreurs importantes qu'on m'attribue et que j'aimerais corriger. (Ces corrections ont été publiées dans le Courrier des lecteurs du numéro d'avril 96.)

1. Les électrons n'ont pas une durée de vie finie. Ce sont plutôt les particules instables (tel le muon) dont la durée de vie finie est allongée par les effets de dilatation du temps.

2. Il n'y a pas encore d'expérience ayant démontré le phénomène de création spontanée de micro trous de ver par fluctuations quantiques gravitationnelles. Un tel phénomène est seulement spéculatif et suggéré par les ébauches de théories de gravité quantique.

3. L'explication du mécanisme pour reculer dans le temps est erronée. Le procédé mentionné a plutôt pour effet d'avancer dans le temps (de 2006 à 2015). Pour reculer dans le temps (de 2006 à 1997), il faut faire le contraire: aller tout d'abord de la maison à la fusée par l'extérieur, puis revenir à la maison par le trou de ver.

Par ailleurs, j'aimerais profiter de l'occasion pour apporter quelques précisions. Toute l'idée du mécanisme pour voyager dans le temps repose sur le fait que du point de vue de l'espace extérieur il y a une différence entre le temps écoulé dans la fusée et celui écoulé dans la maison (point de vue usuel du paradoxe des jumeaux) tandis que du point de vue de l'intérieur du trou de ver il n'y en a pas. Par exemple, pour avancer de 1997 à 2006, il faut rentrer dans le trou de ver en 1997, c'est-à-dire au moment où la fusée est revenue selon le point de vue du trou de ver mais pas encore revenue selon le point de vue d'une fenêtre de la maison.

Il est important d'insister sur le fait que la possibilité de tels voyages dans le passé n'est pas du tout établie même d'un point de vue théorique. Il est vrai qu'apparemment la Relativité Générale d'Einstein prédit ce genre de phénomènes, mais il n'est pas du tout clair que cette théorie (par ailleurs couronnée de succès) soit encore valide, même approximativement, lorsqu'on la pousse dans des limites aussi spéculatives. En fait, on sait que dans ces cas extrêmes, elle doit être combinée avec la Théorie Quantique. Or, ce mariage n'est pas encore réalisé d'une façon définitive.

Bien sûr, le plus gros problème des voyages dans le passé par des êtres doués de libre arbitre est celui des paradoxes temporels: par exemple, retourner dans le passé pour empêcher ses parents de se rencontrer et d'avoir des enfants — d'où est-ce que je viens alors? De tels paradoxes semblent incontournables indépendamment de toutes théories. Dans l'article, il est question du mécanisme de Kip Thorne. Bien que ce mécanisme semble cohérent pour des objets inanimés (qui n'ont pas le choix de suivre les régles de cohérences!), on ne voit pas comment il pourrait être appliqué à des êtres humains (si le libre arbitre existe vraiment!) — à moins d'introduire l'idée d'univers parallèles (comme indiqué dans le texte). En fin de compte, il se pourrait qu'il ne puisse exister que des trous de ver microscopiques, et par conséquent seules les particules élémentaires pourraient reculer dans le passé. Les voyages dans le futur, quant à eux, ne causent pas de tels paradoxes (tant qu'on n'en revient pas).